Par principe, le bailleur qui souhaite mettre un terme au bail, et donc refuser le renouvellement, doit payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par l’absence de renouvellement (sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants du Code de commerce).
Cette caractéristique propre au régime des baux commerciaux s’explique par l’existence du « droit au renouvellement » accordé au preneur, du fait de l’importance particulière que représente le local commercial pour le fonds de commerce du preneur.
Toutes clauses, stipulations et arrangements qui auraient pour effet de faire échec au droit de renouvellement sont réputés non écrits (article L.145-15 du Code de commerce).
A ce titre, la Cour d’appel de Chambéry a rappelé que la liberté contractuelle des parties ne peut pas faire échec au droit de renouvellement légalement prévu.
Dans cette affaire les juges du fond ont tout d’abord confirmé le bienfondé de la demande en versement d’une indemnité d’éviction.
En effet, le preneur a été placé en liquidation judiciaire avant le terme du bail, et il a immédiatement cessé son activité. Pour autant, les juges considèrent que : « le fonds de commerce peut conserver une valeur eu égard notamment à l'existence d'un droit au bail ou d'une clientèle susceptible de lui être encore attachée à raison de son emplacement. »
Même si l’activité du preneur a cessé, le bailleur reste redevable de l’indemnité d’éviction.
Par ailleurs, les parties avaient également prévu que le preneur devrait verser au bailleur la somme de
152.000 € au titre de droits d'entrée et pas de porte.
Cette somme était exigible au terme du bail, uniquement si le bail était renouvelé ou si le bailleur refusait de le renouveler, à charge pour lui de verser une indemnité d’éviction.
Dans l’hypothèse où le bailleur refusait de renouveler le bail moyennant paiement de l’indemnité d’éviction (ce qui était le cas en l’espèce), il était prévu que l’indemnité et le droit d’entrée se compenseraient et que le preneur renoncerait à la part d’indemnité d’éviction qui pourrait excéder le montant du droit d’entrée réévalué.
Les juges ont considéré que cette clause devait être réputée non-écrite dès lors qu’elle a pour effet d’évaluer « à l’avance forfaitairement l’indemnité d’éviction », portant ainsi atteinte au droit de renouvellement garanti par l’indemnité d’éviction.
En conséquence, la clause qui aurait pour effet de plafonner l’indemnité d’éviction doit être réputée non écrite.
Toutefois, les parties sont libres de convenir d’un droit d’entrée exigible au terme du bail et dont le montant serait compensé avec l’indemnité d’éviction, le cas échéant.
Cet arrêt s’inscrit dans la continuité de jurisprudences précédentes, réputant non écrites toutes clauses qui auraient pour effet de plafonner l’indemnité d’éviction ou d’y renoncer (par ex. CA Pau, 28 décembre 2021, n°20/00072 ; CA Poitiers, 30 novembre 2021, n°20/01412).
Par ailleurs, la Cour de Cassation vient de rappeler que le montant de l’indemnité d’éviction est déterminé en considération de :
« Selon ce texte, l'indemnité d'éviction doit être égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement. Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.
L'indemnité d'éviction doit être fixée en tenant compte de la valeur du droit au bail des locaux dont le locataire est évincé, lequel est un élément du fonds de commerce »
En conséquence, les parties à un bail commercial ne peuvent déroger aux dispositions relatives au principe et au quantum de l’indemnité d’éviction (articles L.145-14 et suivants du Code de commerce).
L’équipe Distribution Aklea