Propriété intellectuelle, IT, RGPD

27/06/2023

La saison-contrefaçon : une mesure pouvant être mise en œuvre avant et pendant l’instance

Propriété intellectuelle, IT, Protection des données

La saisie-contrefaçon est un mode de preuve d’infractions, dont dispose le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle. Cette mesure spécifique est propre au droit français, elle permet, en vertu d’une ordonnance rendue sur requête par le Président du Tribunal judiciaire, de faire procéder à la saisie réelle de marchandises contrefaites ou de documents, dans les locaux du présumé contrefacteur.

Le but de la saisie-contrefaçon n’est pas de rechercher l’infraction mais de la prouver.

L’élément de surprise étant le principal atout de cette mesure (la partie défenderesse n’étant pas informée de l’existence d’une requête), il convient de bien réfléchir à la stratégie à adopter pour mettre en œuvres des saisies-contrefaçon de façon simultanée dans tous lieux liés (sièges sociaux et usines, fournisseurs, vendeurs) …

Si la saisie-contrefaçon intervient la plupart du temps avant toute procédure au fond, elle peut, dans certains cas, intervenir au cours de l’instance. C’est le sens de l’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 22 mars 2023[1].

Dans cette affaire, une action en contrefaçon a été engagée par le titulaire d’une marque de Cognac, la société Remy Martin, à la suite de retenues douanières à l’encontre d’une société exploitant une marque très proche pour du Brandy, la société Bacchus Bollée. En cours d’instance, le demandeur a fait diligenter une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société prétendument contrefactrice.

Or, la société en défense a, en réponse à cette mesure, assigné en référé la société Remy Martin en rétractation de cette ordonnance et en annulation des opérations de saisie-contrefaçon.

Son argumentation reposait sur le fait que : « lorsque le titulaire des droits, qui a déjà collecté des éléments de preuve concernant les actes de contrefaçon allégués, souhaite, après l'engagement d'une action en contrefaçon, obtenir des informations sur l'origine ou l'étendue des actes argués de contrefaçon, il lui appartient, en principe, d'utiliser la procédure contradictoire ainsi prévue au titre du droit de l'information, et non la saisie-contrefaçon, sauf à démontrer des circonstances particulières justifiant l'absence de contradictoire ».

De plus, elle soutient que conformément à l’article 7 de la Directive n°2004/48/CE et au paragraphe 2 de l'article 50 de l'Accord ADPIC, les saisies-contrefaçon « sont prises, le cas échéant, sans que l'autre partie soit entendue, notamment lorsque tout retard est susceptible de causer un préjudice irréparable au titulaire des droits ou lorsqu'il existe un risque démontrable de destruction des éléments de preuve », ce qui n’aurait pas été le cas en l’espèce.

En réponse, la Cour rappelle que la contrefaçon peut être prouvée par tous moyens (article L.716-4-7 al.1 et 2 du Code de propriété intellectuelle).

Il en résulte que la saisie-contrefaçon est ouverte au titulaire d'un droit de marque sans que ce dernier ait à justifier de circonstances particulières pour bénéficier de cette procédure non contradictoire, et ce, même au cas où une instance est en cours, indépendamment de la possibilité de recourir à la procédure contradictoire du droit d'information prévue à l'article L.716-4-9 du même code.

La Cour affirme également que la saisie-contrefaçon en cours d’instance répond à l’objectif de la Directive de 2004, qui a pour but de renforcer les droits des titulaires d’un droit de propriété intellectuelle et d’assurer un niveau de protection élevé de ces droits. Cette mesure permet au titulaire de prouver l’étendue de la contrefaçon et du préjudice subi, sans qu’aucune condition supplémentaire ne puisse s’imposer à sa mise en œuvre.

En tout état de cause, la liste de condition émise par la Directive et l’article 50 de l’Accord ADPIC et qui est revendiquée par le défendeur à l’action, est stipulée avec le terme « en particulier », ainsi, elle ne saurait être exhaustive.

En conséquence, par ce nouvel arrêt, la Cour de cassation entérine une solution déjà suivie par le Tribunal Judiciaire de Paris dans deux décisions de 2018[2], puis par la Cour d’appel de Paris ces dernières années[3]. En effet, dans ces décisions, les juges avaient considéré qu’il n’était pas nécessaire de justifier la dérogation au principe du contradictoire pour une saisie-contrefaçon en cours d’instance puisque cette exigence n’est prévue par aucun texte français.

La Cour de cassation française se montre donc, comme à son habitude, très protectrice des titulaires de droit de propriété intellectuelle, en leur offrant un mode de preuve efficient.

L’équipe Propriété Intellectuelle Aklea

[1] Chambre commerciale de la Cour de cassation, 22 mars 2023, n° 21-21.467

[2] Tribunal Judiciaire de Paris, 21 déc. 2018, n° 18/11112 et Tribunal Judiciaire de Paris, 21 déc. 2018, n° 18/11113

[3] Cour d’Appel de Paris, 15 mai 2020, n° 19/10844 et Cour d’Appel de Paris, 5-1, 29 juin 2021, no 20-15507