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16/04/2024

Tel est pris qui croyait prendre : le cédant d’une marque jugé recevable dans son action en déchéance à l’encontre du cessionnaire pour usage déceptif de cette marque

Propriété intellectuelle, IT, Protection des données

Com., 28 févr. 2024, n°22-23.833

La chambre commerciale de la Cour de cassation énonce ici une nouvelle exception à l’adage « qui doit garantie ne peut évincer ».

En l’espèce, les deux marques litigieuses, « JEAN-CHARLES DE CASTELBAJAC » et « JC de CASTELBAJAC », avaient été cédées en 2012 à la suite du redressement judiciaire de leur titulaire, société dirigée par le créateur du même nom et spécialisée dans la vente de vêtements et accessoires de mode.

Les parties à la cession avaient toutefois continué de collaborer dans le cadre d’un contrat de prestation de services jusqu’au terme prévu, soit le 31 décembre 2015.

Leurs relations se sont ensuite totalement dégradées puisque le 21 juin 2018, le cessionnaire a assigné le cédant devant le Tribunal judiciaire de Paris, soutenant que ce dernier se livrait à des actes de contrefaçon de ses marques et de concurrence déloyale et parasitaire en poursuivant ses activités professionnelles et artistiques par l’intermédiaire de sa nouvelle société.

Tentant le tout pour le tout, le cédant a alors sollicité, à titre reconventionnel, la déchéance des marques qu’il avait cédées, pour déceptivité, arguant du fait que, depuis la fin de leur collaboration, le cessionnaire exploitait les marques cédées de façon à laisser croire au public que le cédant était toujours l’auteur des créations sur lesquelles ces marques étaient apposées. Le cédant reprochait notamment l’association des marques en cause à des opérations commerciales à l’occasion desquelles lui étaient attribués des dessins ou illustrations qui n’étaient en réalité pas de sa main mais de véritables contrefaçons de ses droits d’auteur.

S’agissant tout d’abord de la recevabilité de la demande en déchéance, la Cour rappelle le principe en vertu duquel « le cédant de droits portant sur une marque est tenu dans les termes de l’article 1628 du Code civil et n’est, par conséquent, pas recevable en une action en déchéance de ces droits pour déceptivité acquise de cette marque, qui tend à l’éviction de l’acquéreur » (Com., 31 janv. 2006, n°05-10.116).

Elle poursuit toutefois en affirmant que « la garantie au profit du cessionnaire cesse lorsque l’éviction est due à sa faute » et que, dans l’hypothèse où une marque est exploitée dans des conditions propres à induire le public en erreur et à entrainer sa déchéance, le cédant serait potentiellement le plus à même d’identifier la tromperie effective ou le risque grave de tromperie.

Contre toute attente, la Cour de cassation s’écarte donc de sa jurisprudence antérieure, considérant finalement que le cédant d’une marque est recevable en une action en déchéance pour déceptivité acquise de cette marque, lorsqu’une telle action est fondée sur la survenance de faits fautifs postérieurs à la cession et imputables au cessionnaire.

Dans un second temps, sur le fond de la déchéance et le caractère déceptif d’une marque patronymique, la Cour de cassation pose la question préjudicielle suivante à la Cour de Justice de l’Union européenne : « les articles 12, paragraphe 2, sous b), de la directive 2008/95/CE et 20, sous b), de la directive (UE) 2015/2436 doivent[-ils] être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent au prononcé de la déchéance d'une marque portant sur le nom de famille d'un créateur en raison de son exploitation postérieure à la cession dans des conditions de nature à faire croire de manière effective au public que le créateur, dont le nom de famille constitue la marque, participe toujours à la création des produits revêtus de cette marque alors que tel n'est plus le cas [?] ».

C’est question n’est pas encore tranchée, affaire à suivre …

 

L’équipe Propriété Intellectuelle & IT - Aklea