Actualité

28/07/2023

Rémunération variable et fixation des objectifs

Social - Ressources humaines et mobilité

La fixation des objectifs de rémunération variable est au cœur de l’actualité juridique.  Par deux arrêts rendus le 07 juin 2023, la Cour de Cassation censure la Cour d’Appel en rappelant d’une part que l’employeur est tenu de payer la rémunération variable dans son intégralité s’il omet de définir les objectifs. D’autre part, en soulignant que la Cour d’Appel est tenue de vérifier la provenance des documents rédigés dans une langue étrangère et comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l'exécution de son travail.

  • Le défaut de fixation des objectifs fixés unilatéralement par l’employeur 

Par un arrêt du 07 juin 2023, la Haute Juridiction rappelle le principe selon lequel :

« Lorsque la rémunération variable dépend d’objectifs définis unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, à défaut de fixation desdits objectifs, la rémunération variable doit être payée intégralement. »

Pour mémoire, la part variable de la rémunération est déterminée par la fixation des objectifs qui peut être :

  • Conventionnelle : la fixation des objectifs est prévue par le contrat de travail et renégociée périodiquement. L’employeur ne peut modifier de son propre chef les objectifs.
  • Unilatérale : elle est fixée par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction. Il peut ainsi la modifier à condition d’en avertir le salarié en début d’exercice.

En l’espèce, la Cour d’Appel avait considéré qu’il s’agissait d’une fixation conventionnelle des objectifs. Il revenait alors au juge de déterminer le montant de la rémunération variable en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes (Cass. soc., 26 oct. 1999, n° 98-41.521 ; Cass. soc., 13 janv. 2009, n° 06-46.208).

Ce raisonnement est cassé par la Cour de Cassation qui considère, en se fondant sur les articles sur les articles 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et L. 1221-1 du Code du travail, que le cas d’espèce s’inscrit dans une fixation unilatérale de l’employeur. La rémunération variable doit alors être versée intégralement, le juge n’ayant pas à déterminer le montant en fonction des critères contractuels et accords.

Cette décision s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence de la Haute juridiction qui sanctionne ainsi très sévèrement tout défaut de fixation des objectifs fixés unilatéralement par l’employeur au début de l’exercice considéré. A noter qu’une telle défaillance peut dans certains cas également constituer également  un manquement justifiant la prise d’acte de la rupture par le salarié (Cass. soc., 29 juin 2011, n° 09-65.710 ; Cass. soc., 15 déc. 2021, n° 19-20.978) ou la résiliation judiciaire du contrat de travail (Cass. soc., 19 nov. 2014, n° 13-22.686).

  • La vérification de la provenance des documents

 L’article L. 1321-6 du Code du Travail dispose que :

« Le règlement intérieur est rédigé en français. Il peut être accompagné de traductions en une ou plusieurs langues étrangères.

 Il en va de même pour tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l'exécution de son travail.

 Ces dispositions ne sont pas applicables aux documents reçus de l'étranger ou destinés à des étrangers. »

A la lumière de cet article, la Cour de Cassation a ainsi retenue l’inopposabilité de documents fixant les objectifs nécessaires à la détermination de la rémunération variable contractuelle du fait de leur rédaction en anglais (Cass. soc. 29-6-2011 no 09-67.492 FP-PB). Il convient toutefois de relever qu’une première communication en anglais suivie d’une diffusion en français n’entraine pas l’inopposabilité du texte (Cass. soc. 21-9-2017 no 16-20.426 FS-PB : RJS 12/17 no 795).

La Cour de Cassation veille par ailleurs à l’application stricte de l’article 1321-6 en son alinéa 3 en témoigne l’arrêt du 07 juin 2023. La Haute Juridiction est en effet venue casser la décision de la Cour d’Appel qui   s’était contentée de relever l’opposabilité de documents rédigés en anglais en s’appuyant sur le fait que la langue de l’entreprise était l’anglais et que de nombreux courriels étaient rédigés en anglais sans vérifier la provenance du texte.

La Cour de Cassation souligne ainsi la nécessité pour les juges du fond de vérifier « la provenance du texte, à savoir s’il avait été reçu, ou non, de l’étranger ». En effet, si le texte rédigé en anglais est destiné à des étrangers ou provient de l’étranger, il est alors opposable .

L’Equipe Sociale

A Paris, le 28 juillet 2023