Actualité

13/07/2023

Télétravail et accident du travail

Social - Ressources humaines et mobilité

Nous les attendions, elles commencent à arriver.

Depuis la mise en place massive du télétravail à la suite de la crise sanitaire liée à la Covid 19, nous avons vu apparaître de nombreux questionnements notamment sur l’appréciation qui sera faite par les tribunaux des situations de demandes de reconnaissance d’accident du travail pour des salariés en télétravail.

Les premières décisions des Tribunaux judiciaires et Cours d’appel semblent pour l’instant retenir des applications restrictives des articles L.411-1 du Code la sécurité sociale (CSS) et L.1222-9 III du code du travail qui prévoient respectivement que :

  • « Est considéré comme un accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs » (article L.411-1 du CSS)
  • « L’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident du travail au sens de l’article L.411-1 du CSS » (article L.1222-9 du code du travail)

Dans les 2 arrêts joints du 4 mai et 15 juin 2023, les Cours d’Appel de la Réunion et d’Amiens se sont prononcées sur la question de l’application ou non de la présomption d’imputabilité d’un accident du travail posée par l’article L.1229-9 du code du travail

« Constitue un accident du travail un évènement ou une série d'évènements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle ou d'ordre psychologique, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.

N'a pas un caractère professionnel l'accident dont a été victime un salarié en télétravail alors qu'il était sorti de son domicile et avait interrompu son travail afin d'aller se renseigner sur l'origine d'un bruit et de la panne informatique qui s'en est suivie. En effet, dans ces conditions, l'intéressé a cessé sa mission pour un motif personnel, aucune obligation ne lui ayant été faite par son employeur de trouver l'origine de la panne ou de renseigner utilement l'opérateur téléphonique, et ne se trouvait pas sous l'aire d'autorité de l'employeur, l'identification de l'origine de la panne ne relevant pas de sa mission inhérente au contrat de travail. »

« Dès lors qu'un accident s'est produit en dehors de l'exercice de l'activité professionnelle d'un télétravailleur, la présomption légale d'imputabilité de l'accident du travail prévue en matière de télétravail ne peut pas s'appliquer.

A défaut de présomption d'imputabilité, il appartient à la victime d'apporter la preuve de la matérialité du fait accidentel, de sa survenance par le fait ou à l'occasion du travail et du lien de causalité entre les lésions et le fait accidentel. Or cette preuve ne peut pas résulter des seules déclarations du télétravailleur qui affirme avoir chuté dans l'escalier à 16h02 après avoir quitté son poste en télétravail à 16h01. Il est en effet justifié uniquement de l'information de l'employeur à 17h33 et de l'hospitalisation à 17h50. La jurisprudence relative à la conception extensive du temps de travail lorsqu'il n'y a pas de doute sur le lien étroit entre le fait accidentel et le travail n'est donc pas transposable.

Par conséquent, la demande de prise en charge de cet accident au titre de la législation professionnelle ne peut qu'être rejetée »

Les solutions retenues ne semblent pas se démarquer de la jurisprudence de la Cour de cassation.

Il appartient au salarié d'établir que l'accident survenu à son domicile est en lien avec son activité professionnelle. Ainsi, si le caractère professionnel de l'accident n'est donc pas exclu, il peut néanmoins s'avérer difficile, pour un télétravailleur, d'apporter une telle preuve.

La question se pose toutefois de savoir si, eu égard au développement du télétravail à domicile d'autres Cours d'appel adopteront la même position ou une conception plus extensive du temps et du lieu de travail. Nous atendons également avec intérêt la position de la Cour de cassation en la matière.

 L’Equipe Social Aklea

Paris, le 13 juillet 2023