Marie Briswalder
Associée
Propriété intellectuelle, IT, RGPD
13/04/2023
Le parasitisme se définit comme l’acte consistant à tirer indûment profit des efforts ou de la notoriété d’autrui en s’immisçant dans son sillage[1].
Appliquée au milieu de l’art et des œuvres de l’esprit, et en l’absence de droit privatif, l’action en responsabilité fondée sur des agissements parasitaires revêt un intérêt certain.
Elle peut être exercée de façon subsidiaire à l’action en contrefaçon, et la suppléer lorsqu’il n’y est pas fait droit[2].
En effet, les juges retiennent que si la contrefaçon s’apprécie par les ressemblances, elles sont aisément occultées par des différences de choix arbitraires donnant à voir une impression globale distincte, des univers différents reflétant la personnalité d’auteurs différents[3].
La condamnation apparaît alors plus aisée sous l’angle du parasitisme, par la constatation d’une « proximité de réalisation » entre les œuvres, créant un risque d’assimilation de nature à procurer un avantage indu au parasite[4].
En ce sens, la Cour de cassation a pu juger que la reprise d’un concept, permettant de faire l’économie de coûts de conception et de promotion, limitant la prise de risque quant au succès commercial d’une valeur économique ayant déjà fait ses preuves, et laissant croire au public qu’un simple changement de nom était intervenu, était constitutive de parasitisme[5].
Dès lors que le parasite a bénéficié des investissements et du travail de création assurés par l’artiste premier, et a ainsi entretenu une confusion avec sa propre œuvre, les actes parasitaires sont caractérisés.
Par son arrêt en date du 15 décembre 2022[6], la Cour d’appel d’Aix-en-Provence s’insère dans la lignée jurisprudentielle du parasitisme artistique, tout en y apportant une nouveauté.
Un artiste-peintre a proposé au maire d’une commune de réaliser en son centre historique des fresques murales composant « un parcours artistique et pédagogique ». Il lui a alors transmis un dossier exposant les détails de son projet. Un appel d’offres portant sur « l’animation, la coordination artistique, technique et financière, ainsi que la réalisation d’un parcours de fresques murales » a ensuite été diffusé par la mairie, et remporté par une association.
L’artiste-peintre a assigné la commune sur les fondements, de la contrefaçon d’une part, et du parasitisme d’autre part.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a débouté l’intéressé de sa demande en contrefaçon, considérant que la commune n’était ni donneur d’ordre, ni créatrice des œuvres litigieuses. Bien qu’originale en ce qu’elle n’est pas justifiée, comme c’est le cas classiquement, par le fait qu’une idée n’est pas protégeable, l’argumentation exposée apparait tout à fait cohérente eu égard à la personne du défendeur.
Elle a cependant reconnu la commune coupable d’actes parasitaires, en retenant une « similitude quasi-parfaite entre les lieux d’apposition des fresques et des trompe-l’œil ; un tel degré de similitude ne [pouvant] s’expliquer par le hasard ».
Les juges ont ainsi considéré que la commune avait tiré profit du travail de l’artiste-peintre, en communiquant à l’association, ses idées et son travail de prospection, ayant ainsi permis « d’identifier sans délai et sans frais les sites pouvant accueillir les différentes œuvres à installer. »
De manière originale, ce n’est pas l’association à l’origine de l’œuvre litigieuse qui est ici reconnu coupable d’actes parasitaires, mais la commune ayant agi en tant qu’intermédiaire, et donc facilitateur de déloyauté.
Par ailleurs, la Cour d’appel fait fi du critère tenant au risque d’assimilation des œuvres dans l’esprit du public, puisque le projet initialement proposé était, par définition, inconnu. Il est uniquement fait application de la condition tenant au profit retiré d’un travail préparatoire déjà réalisé.
Le champ du parasitisme artistique s’en trouve ainsi étendu et les idées semblent bénéficier, à la faveur de cet arrêt, d’une protection élargie.
A l’inverse, le principe selon lequel « les idées sont de libre parcours » est grandement affaibli, et semble ne plus suffire à écarter le grief du parasitisme.
[1] Cour de cassation, Com., 26 janvier 1999, n°96-22.457 ; Cour de cassation, Chambre commerciale, 5 juillet 2016, n°14-10.108
[2] Cour de cassation, Civ. 1re, 22 juin 2017, n° °16-16.799
[3] Cour d’appel de Paris, 27 février 2013, n°12/01050
[4] Ibid
[5] Cour de cassation, Civ. 1re, 31 janvier 2018, n°15-28.352
[6] Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 15 décembre 2022, n°19/12779
Un sujet porté par l'équipe Propriété intellectuelle, IT, Protection des données
En savoir plus sur notre expertise