Dans cette affaire, notre cliente, la société D., spécialisée dans le travail temporaire a assigné devant le Tribunal de commerce de Lyon, la société V. pour des faits de concurrence déloyale.
En effet, la société V. a embauché deux anciennes salariées de la société D., Mesdames X. et Y., soumises à une clause de non-concurrence, et organisé avec elles le détournement des clients et intérimaires allant jusqu’à vider la société D. de sa substance.
L’un des arguments principaux de la société V. pour tenter d’échapper à sa responsabilité était de dire qu’elle n’avait pas détourner les fichiers apportés par Mesdames X. et Y. dans la mesure où ces dernières les avaient constituées dans le cadre de fonctions précédant leur arrivée au sein de la société D. et qu’elles en étaient donc propriétaires.
En d’autres termes, la société V. déniait l’existence d’un détournement fautif de clientèle en faisant valoir que la clientèle détournée était en réalité celle de Mesdames X. et Y., et qu’il en serait de même pour les fichiers confidentiels de la société D.
A cet argument, nous avions répondu qu’en leurs qualités de salariées de la société D., Mesdames X. et Y. avaient bénéficié des moyens mis à leur disposition par leur employeur, dont le réseau auquel appartient la société D. et que sans ces moyens, elles n’auraient eu aucune possibilité de développer elles-mêmes une clientèle, ni de fidéliser des intérimaires.
Les contrats de travail liant les parties n’évoquaient par ailleurs en aucune façon une prétendue « propriété de la clientèle » de ces dernières.
Par jugement du 25 septembre 2017, le Tribunal de commerce de Lyon a estimé que la société V. avait commis des fautes engageant sa responsabilité délictuelle en suivant notre argumentation sur ce point et l’a condamnée à verser des dommages et intérêts à ce titre à la société D.
Cette décision a par la suite été confirmée par la Cour d’appel de Lyon dans un arrêt du 26 novembre 2020.
Dans son pourvoi formé devant la chambre commerciale de la Cour de cassation, la société V. a critiqué l’arrêt en prétendant que la Cour d’appel, en considérant que l’exploitation ou le développement d’un listing de clientèle qui avait été établi par les salariées antérieurement à leur embauche par la société D. n'en rendait pas celles-ci propriétaires, aurait violé l'article 1134 (devenu 1103) du Code civil.
Dans un arrêt rendu le 6 avril 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la société V. et a confirmé l’arrêt rendu le 26 novembre 2020 par la Cour d’appel de Lyon.
Pour ce faire elle a jugé que c’est à juste titre que la cour d’appel a retenu que quand bien même Mmes X. et Y. « avaient pu apporter lors de leur embauche par la société D. des listes de clients ou d'intérimaires en provenance de leurs anciens emplois, elles n'avaient pu les exploiter et les développer que grâce à l'infrastructure dont elles bénéficiaient chez leur nouvel employeur, créant des documents pour le compte de celui-ci, {…} ce dont il résultait qu'il en était devenu propriétaire ».
La Cour de cassation a également confirmé sur un autre moyen qu’au regard de ses constatations et appréciations, la société V. « a détourné de manière déloyale des informations privilégiées et donc confidentielles sur la clientèle et les intérimaires de son concurrent, pour démarcher la clientèle de ce dernier, ce qui rendait l'existence d'une clause de confidentialité et sa connaissance par le nouvel employeur sans incidence, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche invoquée par la sixième branche, que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision ».
Demande d’expertise judiciaire : il est possible de s’y opposer ! - Arrêt CA Lyon, 8ème ch., 26 janv. 2022, n°21/02840 :
Dans cette affaire, notre cliente, la société E., ayant pour activité la fabrication et la distribution de produits diététiques et cosmétiques, a été assignée par la société V. en référé-expertise devant le Tribunal de commerce de Lyon.
La société V. a acheté en 2017 à notre cliente, une machine accompagnée de plusieurs machines annexes. Ne les utilisant pas, la société V. a prêté les machines deux ans plus tard à une société tierce, sans en informer la société E.
En 2019, la société tierce, à savoir la société P. a fait appel à la société E. afin de procéder à la maintenance de la géluleuse. La société E. n’a pu que constater que cette machine avait été peu utilisée et mal entretenue tant par la société V. que la société P., qui n’avait pas été formée sur l’utilisation de la machine.
En 2020, la société V., estimant que la machine ne fonctionnait pas correctement a sollicité la mise en place d’une expertise judiciaire afin « de caractériser l'existence de vices cachés qui affectent le bon fonctionnement de la géluleuse ».
Nous nous sommes opposées à cette demande, rappelant que la société V. ne disposait d’aucun motif légitime fondant sa demande. Le Président du Tribunal de commerce de Lyon a suivi notre argumentation et a rejeté les demandes de la société V., dans une ordonnance du 15 février 2021.
La société V. a fait appel de cette ordonnance devant la Cour d’appel de Lyon. Dans un arrêt du 26 janvier 2022, la Cour d’appel de Lyon, a confirmé l’ordonnance rendue par le Tribunal de commerce de Lyon rejetant la demande d’expertise. Elle a en effet considéré ne pas disposer d’éléments probants suffisants pour établir le motif légitime requis pour pouvoir ordonner une expertise dans le cadre de l'article 145 du code de procédure civile.
Analyse d’une clause de non démarche de clientèle - Arrêt : CA Paris, Pôle 5, ch. 5, 6 janv. 2022, n°18/04210 :
Dans cette affaire, notre cliente, la société O. a entretenu durant de nombreuses années des relations commerciales avec la société A. aux termes desquelles la dernière achetait des produits d'entretien fabriqués par la première. Les deux sociétés ont conclu le 18 avril 2006 un « contrat de collaboration» prévoyant que la société O. s’engageait notamment à « ne pas démarcher directement ou indirectement » les clients de la société A.
Au cours des années 2012 et 2013, la société O. a développé puis fabriqué un produit que la société A. a commandé en vue de les revendre à des tiers.
Suite à la demande formulée par un client de la société A., la société O. l’a livré en produit considérant qu’aucune violation du contrat de collaboration n’était caractérisée, le client ayant fait la démarche de prendre contact avec elle.
C’est dans ce contexte que la société A. a assigné devant le Tribunal de commerce de Lyon la société O. au titre de la perte de marge brute du fait d’une prétendue violation de la clause de non-démarchage de clientèle (s’apparentant à une clause de non-concurrence) visée au contrat de collaboration.
L’interprétation de la clause et notamment du terme de « démarchage » était au cœur du litige, devant s’interprétée de manière très restrictive s’agissant d’une limitation du principe de la libre concurrence.
Le Tribunal de commerce de Lyon a fait droit à la demande de condamnation de la société A. La société O. a interjeté appel de cette décision devant la Cour d’appel de Paris.
Dans un arrêt du 6 janvier 2022, la Cour d’Appel de Paris vient totalement infirmer le jugement rendu en première instance et rejette intégralement les demandes de la société A. en jugeant que « le fait qu’un contrat de collaboration portant notamment sur la distribution de produits X. ait été conclu entre la société P. et la société O. ne permet pas de démontrer que la société O. a pris l’initiative de ce contrat et en a dicté les conditions d’autant plus qu’il ressort de ce qui précède que c’est la société P. qui a sollicité la société O. pour bénéficier d’une exclusivité pour la distribution de ce produit. Dans ces conditions, aucun élément ne démontre un démarchage de la part de la société O. à l’égard de la société P. en violation de l’obligation souscrite dans le « contrat de collaboration ».
La Cour d’appel de Paris a donc suivi l’argumentation de la société O. s’agissant de son interprétation du terme de « démarchage » visé au sein de la clause de non-sollicitation de clientèle, n’interdisant pas de « contracter » avec un des clients listés.
Suspension exécution provisoire - Ordonnance Premier Président CA Paris, pôle 1, ch. 5, 30 nov. 2021, n°21/13393
Par jugement en date du 15 mars 2021, le Tribunal de commerce de Paris a condamné la société O. à payer à Maître X. en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société C., la somme de 439.251 € au titre de la perte de marge.
La société O. qui a interjeté appel de cette décision et a saisi le Premier Président de la Cour d’appel de Paris aux fins de voir suspendre l’exécution provisoire attachée au jugement de première instance.
En appui de sa demande, la société O. va invoquer notamment l’insolvabilité de la société
C., placée en liquidation judiciaire.
Le Premier Président de la Cour d’appel a relevé que l'exécution provisoire du jugement entrepris serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives pour la société O. de ce fait et a donc accueilli la demande tendant à la suspension de l'exécution provisoire.